Parmi les quatre Évangiles, celui de Jean est le plus symbolique de tous. Chaque récit, chaque phrase même, dissimule un sens caché qui n’apparaît pas à première vue. L’Évangile d’aujourd’hui en est un bel exemple. Jean veut raconter la première apparition publique de Jésus qu’il situe dans un mariage auquel sa mère et lui sont invités. Or un mariage est toujours un symbole de joie, de paix et de fécondité. Nous sommes donc invités à comprendre que si Dieu vient parmi nous, c’est pour nous apporter la joie, la paix et rendre nos vies fécondes. La première lecture d’ailleurs compare l’alliance de Dieu à un mariage. Et la seconde de Saint Paul nous rappelle-à travers la comparaison du corps humain-que l’Église dont nous faisons partie, existe pour une unique raison : nous faire connaître et développer l’amour de Dieu pour toute l’humanité.
Dans ce même Évangile, l’accent n’est pas mis sur le couple comme on s’y attendrait, mais sur la quantité anormale de vin que le miracle de Jésus va mettre à la disposition de invités : 200 gallons. Un signe qui cache un sens : Dieu ne donne pas un peu ; Dieu ne donne pas beaucoup ; il donne tout i.e. lui-même. Pour parler comme l’Évangile, Dieu déborde !
A nous qui sommes tentés par le pessimisme, parfois même par le désespoir, Dieu nous dit aujourd’hui que nous n’avons pas raison de réagir ainsi : car nous avons été faits pour la vie, la paix et la joie. Mais ce bonheur ne nous est pas donné à la manière d’un billet de Loto mais comme un don à développer « à la sueur de notre front ». (Gen 3,17) En d’autres mots, le Seigneur ne nous donne pas la moisson mais la semence. Au début du monde, dit la Bible, le septième jour, quand Dieu eut terminé son ouvrage, il entra dans son repos. Et pourquoi n’aurait-il pas continué ? Apres tout, il restait tant de chose à faire ! Une tradition juive répond à cette question : Dieu s’est retiré du monde pour nous laisser la place afin que nous en prenions la pleine responsabilité et que nous l’organisions à notre manière. Le monde nous a été confié. Nous en avons la responsabilité. Prenons-là. Amen.
Les lectures de la liturgie d’aujourd’hui sont remplies de mots qui évoquent non pas tellement ce que nous devons croire et faire pour être avec Dieu ; mais plutôt ce que nous devons ressentir quand on est avec lui. Elles s’adressent à notre cœur plutôt qu’à notre raison. Elles parlent d’agneaux qu’on porte dans ses bras, de tendresse, de miséricorde, de bonté, d’eau qui rafraîchit et désaltère ; de colombe qui symbolise la vie et la paix.
I faut dire que notre éducation religieuse, à nous les gens de notre génération, ne nous a pas habitués à parler de Dieu dans ces termes-là. On parlait d’efforts à faire, de pénitences à s’imposer, de mauvaises habitudes à déraciner beaucoup plus que d’amour à développer. On parlait plus de l’enfer à éviter que du ciel à gagner. L’effort, la souffrance et la peine c’était pour maintenant. Le repos, la paix et l’amour c’était pour après. Bref, il fallait être malheureux maintenant pour être heureux après. Il était plus important de craindre l’enfer qu’espérer le ciel.
Dans ce contexte, les lectures de la liturgie d’aujourd’hui me semblent vouloir nous rappeler deux vérités essentielles. La première étant que si Dieu a voulu se faire l’un de nous, naître, grandir et mourir comme l’un de nous, être baptisé comme nous tous, ce ne peut être que parce que la condition humaine comporte quelque chose d’éminemment positif.
Et plus encore. S’il est vrai que la condition humaine a quelque chose de positif, c’est donc que je peux faire de chaque moment de ma journée un instant de bonheur et rendre heureux tous ceux et celles qui m’entourent. Vivre, comme le disent les lectures, la tendresse, la miséricorde et l’amour ne peuvent être que contagieux. La douleur, la souffrance et le deuil existent. Mais elles ne sont pas là pour durer. Elles n’existent que pour nous permettre de les dépasser par la bonté, la miséricorde et l’entraide, comme Jésus l’a fait. Amen.